Après avoir reçu près d’une centaine de question, nous avons fait une sélection qui regroupe l’ensemble de vos interrogations, et malgré un emploi du temps chargé, Romain Poite vous répond :
Gérard F.
Il faudrait que l’arbitrage vidéo ne concerne que la validation de l’essai dans l’en-but. On perd trop de temps à visionner les autres phases de jeu et les joueurs en profitent pour récupérer alors que le rugby est un combat et qu’on demande à chaque joueur de gagner son duel avec son vis à vis. On voit même des joueurs demander la vidéo alors qu’ils sont dans le « rouge » afin de récupérer. Qu’en pensez-vous ?
ROMAIN POITE : Il est vrai que parfois nous utilisons trop souvent cet outil et que cela peut devenir pesant pour le téléspectateur. Nous n’utilisons pas la vidéo par plaisir ou sous la pression d’un joueur mais uniquement pour vérifier un acte lorsque nous sommes dans le doute (ce que vous percevez dans le confort d’une retransmission, est parfois très loin de la vérité du terrain) ou bien lorsque nous voulons sécuriser notre décision eu égard aux enjeux de notre championnat.
Roger M.
Les arbitres, principalement au rugby, sont-ils « audités » après les matchs quand leurs décisions ou leurs » non-décisions » peuvent influencer sur le cours de l’épreuve ? Suivant l’analyse sont-ils recadrés ? Et comment ?
ROMAIN POITE :Dans le secteur professionnel, à chaque rencontre (TOP 14, ERC, IRB), nous sommes supervisés par un spécialiste de l’arbitrage qui édite un rapport sur notre prestation. De plus, nous revisionnons notre performance avec un coach qui relève lui aussi nos mauvaises décisions. En cas d’une performance de piètre qualité ou d’une répétition de décisions incohérentes, nous pouvons être suspendus ou mis au repos afin de retrouver la raison et nous permettre de travailler nos erreurs.
Dominique D.
Cas de mêlée simulée en catégorie C et D, pas de spécificité obligatoire « exemple deux remplaçants 1ere ligne avec spécificité talon ». A la x minute l’équipe décide un changement tactique du pilier droit donc l’arbitre à la prochaine mêlée procèdera à une simulée et ceci jusqu’à la fin du match, par contre le joueur sorti tactiquement peut-il rentrer à nouveau alors qu’il est responsable des mêlées simulées ? Pas de réponse trouvée dans le règlement pour la catégorie C et D.
ROMAIN POITE :Si des mêlées simulées interviennent, c’est que l’une des équipes est dans l’incapacité de fournir des joueurs aptes à jouer en première ligne. Lors d’un changement tactique, le joueur sorti doit alors être considéré comme blessé et ne peut plus prendre part au jeu car la règle exige que si des joueurs sont encore aptes sur le banc des remplaçants, ils doivent prendre part au jeu.
Pierre L.
Bonjour, depuis le début de la saison, dans le top 14 et au niveau international, on voit très peu de mêlées jouées. La plupart se termine par une pénalité. Plusieurs cas sont frustrants pour les équipes pénalisées :
– pénalité contre l’équipe qui a introduit suite à un en avant,
– pénalité alors que le ballon est jouable pour l’équipe adverse.
Pourquoi dans le 1er cas une équipe dominée en mêlée qui récupère la possession suite à un en avant se retrouve pénalisée ?
Dans le second cas, pourquoi dans les ruck les relayeurs doivent jouer si le ballon est disponible, mais pas en mêlée ? Ils n’ont pas cette obligation et par conséquent ils préfèrent attendre la pénalité.
La mêlée est sensée être un lancement de jeu, et malheureusement elle permet aux équipes dominées dans le jeu de gagner des matches en attendant la pénalité sur les mêlée. Merci du temps que vous accorderez à ces questions.
ROMAIN POITE : Vous avez raison, la mêlée est un véritable problème dans notre sport et pour de multiples raisons qui seraient passionnantes à débattre mais prendraient de longues journées. Nous sommes les premiers à regretter cette situation mais nous sommes tenus aussi de faire appliquer un règlement et des directives qui cherchent toutes les deux à éliminer les mauvais comportements.
Pour le deuxième cas, la consigne de ne pas sanctionner lorsque le ballon est prêt à être joué dans les pieds du troisième ligne centre nous a été donné car nous estimons que si le ballon se trouve à ce stade, il sera très difficile de le regagner et les arbitres favoriseront le jeu. Il est vrai que parfois (trop en début de saison) nous avons sifflé pour respecter les consignes données et n’avons pas fait preuve de discernement.
Pour le premier cas, votre remarque est tout à fait recevable mais malheureusement, le mêlée ordonnée est une action différente de l’en avant dans le jeu courant et ne peut pas se référer à la règle de l’avantage.
Dominique L.
Bonjour Monsieur Poite. Je suis un ancien rugbyman, j’ai eu l’opportunité de jouer à un niveau intéressant et j’ai acquis les valeurs du respect de l’arbitre en école de rugby.
En regardant les matchs, je constate que les joueurs ont encore ce respect, mais que les spectateurs et les entraîneurs critiquent et vocifèrent de plus en plus sur l’arbitrage.
Pensez-vous que les modifications de plus en plus complexes des règles, voir celle de la mêlée, et de l’aspect financier important font que l’arbitre devient de plus en plus la cible de critiques de toutes parts.
Je vous assure Monsieur Poite de mon plus grand respect, et je profite de ce message pour vous assurer du plaisir que j’ai à regarder un bon match de rugby avec 31 participants sur le terrain.
ROMAIN POITE : Nous prenons avec plaisir votre soutien et vous en remercions. Malheureusement l’arbitre est souvent une cible facile car la multiplication des règles dans notre sport et son appréciation sont très impliquées dans le déroulement d’une rencontre. Nous acceptons d’être parfois mis au banc des « accusés » car nous tendons aussi le bâton pour nous faire battre et nos erreurs sont aussi lourdes de conséquences mais lorsque c’est le cas, je peux vous assurer que nous sommes les premiers malheureux.
Il est vrai que l’argent a changé beaucoup de choses dans les relations que nous pouvons entretenir car, par force, les attentes de résultat pour tous les acteurs sont vives et compréhensibles.
Enfin, tous les nouveaux paramètres du professionnalisme ont aussi amené un changement notable de type de public et nos belles tribunes ne sont plus peuplées que de supporteurs mais aussi de spectateurs. Ces derniers payent pour un spectacle et deviennent exigent avec l’investissement même si cela ne fait référence qu’à une place de stade.
Marianne F.
Bonjour, à chaque saison de rugby ses polémiques et ses changements de règles ! On finit par s’y perdre et à ne plus comprendre réellement ce qui se passe (mes amis me rétorquent souvent qu’il faut être BAC+10 pour être arbitre de rugby …). Il semblerait que l’on se dirige de plus en plus vers un « arbitrage à la règle », pas forcément en faveur du jeu … Qu’en pensez-vous ? Comment clarifier tout ça ? Merci beaucoup !!
ROMAIN POITE : Notre sport est assez complexe en effet compte tenu de la lourdeur de son règlement. Mais bien souvent, les règles ne changent pas. Ces dernières saisons, elles n’ont pas changé mais des directives nous ont été rappelées pour ne pas déséquilibrer les chances d’une équipe face à l’autre.
Ces directives, en référence au règlement, viennent le plus souvent après que l’instance dirigeante ait constaté que les techniciens se servaient d’une négligence arbitrale d’un secteur de jeu pour en tirer un certain profit. C’est le jeu du technicien et de l’arbitre soit le jeu du chat et de la souris.
Toutes ces évolutions ne sont pas produites pour imposer la règle et sont réfléchies dans l’intérêt du jeu car comme tous les acteurs, les arbitres sont les premiers spectateurs du « beau jeu ».
Clément M.
Bonjour, est-ce que tu à des conseils pour quelqu’un qui débute l’arbitrage sans avoir été joueur. J’ai du mal avec la vision du jeu notamment pendant les phases de ruck. Merci d’avance.
ROMAIN POITE : L’expérience du jeu est certainement un atout dans la conduite d’un match mais sachez que l’expérience que vous rencontrerez en tant qu’arbitre vous aidera assurément à comprendre le rugby. Les conseils que je peux vous donner sont de rester assidus dans vos relations avec toutes les parties du rugby et ne pas hésiter à engager des discussions afin de comprendre mieux certains secteurs de jeu. Les réunions de formation sont aussi de bons moments pour partager avec des arbitres qui ont une certaine expérience et longévité dans notre discipline.
Bertrand R.
Quelle est selon vous la différence entre les formations d’arbitres maintenant par rapport à 10 ans en arrière ? Existe-t-il des formations spécifique JA (jeune arbitre) dans votre sport ? Et qui les enseigne ? Existe-t-il une différence entre l’arbitrage des seniors et des équipes de jeunes d’un point de vue « application du règlement ». Entraineur de hand-ball et passionné de Rugby.
Surtout par la qualité des règles de votre sport par rapport aux comportements des entraineurs et des joueurs qui sont très respectueux de celles-ci
ROMAIN POITE : L’application du règlement ne peut pas se faire de la même façon suivant le niveau et la catégorie d’âge auxquelles nous sommes confrontés. Nous aurions tendance à faire preuve de plus de pédagogie avec les jeunes ou les niveaux dits moins aisés dans la pratique.
Notre fonction a effectivement fortement évolué depuis l’avènement du professionnalisme et il est évident que tout le processus de formation s’est amélioré dans son ensemble. La commission centrale des Arbitres (organe dirigeant fédéral) a développé la formation des arbitres et l’accompagnement des jeunes talents. C’est stupéfiant la maturité et les qualités avec lesquelles ces derniers franchissent les étapes pour arriver au haut niveau.
Cet esprit est évidemment repris dans les comités régionaux afin que la cohérence soit la plus juste à tous les niveaux.