Jean-Charles Collin a été un des 2 arbitres Français (avec Eddie Viator à gauche) sélectionné pour l’EUROBASKET 2015. En exclusivité pour Tous Arbitres, il est revenu sur son parcours et a partagé avec nous sa 1ère expérience sur l’EUROBASKET.
Pouvez-nous dire tout d’abord comment vous êtes arrivé à l’arbitrage ?
J’ai d’abord été joueur dans le club de Cagnes sur Mer (06) à l’âge de 10 ans. J’ai joué jusqu’à 19 ans. Lorsque je jouais en minimes (15 ans), mon club nous avait proposé de suivre la formation départementale organisée par le comité des Alpes-Maritimes. Je m’y suis inscrit, encouragé par mes parents, avec ma petite soeur Marie-Pierre, qui était elle aussi joueuse. C’était au départ pour aider notre club (chaque club doit fournir un certain nombre d’arbitres en fonction du nombre d’équipes engagées dans les différents championnats), ensuite pour se faire un peu d’argent de poche. Et rapidement je me suis pris au jeu.
Qu’est ce qui vous a poussé à atteindre le plus haut niveau ?
Quand j’étais jeune arbitre, j’ai eu la chance de pouvoir gravir les échelons régulièrement : d’abord arbitre départemental, j’ai passé mon examen régional l’année qui a suivi, puis j’ai accédé au championnat de France (Nationale Masculine 3 et Féminine 2). A l’époque, je ne pensais pas du tout au haut-niveau, mais les personnes qui m’observaient ont pensé que j’avais la capacité d’atteindre le Haut-Niveau, c’est à dire la NM1, la 3ème division française.
Je suis alors entré dans un cycle de formation de 3 ans (la filière Haut-Niveau). Nous étions au départ 30 arbitres venus de tout le territoire. A la fin de la 3ème année, j’ai eu la chance de faire partie des 6 arbitres qui ont accédé au HN (c’était en 2002). 3 collègues sont d’ailleurs toujours en activité : Abdel Hamzaoui et José Soarés en PRO A, Youssef Alouahabi en PRO B.
De là, c’est en découvrant un niveau de jeu très différent des championnats que j’avais l’habitude d’arbitrer (physiquement et techniquement) que j’ai eu envie de poursuivre dans cette voie, réalisant que j’avais peut-être la possibilité d’atteindre un jour la PRO A. Cela a été le cas en 2008, j’ai ensuite passé mon examen d’arbitre international en 2012. J’évolue en Euroleague depuis 2014.
Avez-vous des formations régulièrement ?
Trois fois par an au minimum, la Fédération Française (FFBB), nous réunit en août pour les traditionnels tests (physiques, écrits) et consignes de la saison à venir. Nous passons 3 jours à aborder les aspects techniques, souvent avec l’intervention d’entraîneurs de PRO A, les aspects réglementaires et physchologiques de notre activité. Tout cela est toujours accompagné de support vidéo des matchs de la saison passée.
Nous sommes réunis une deuxième fois en février pendant la Leaders Cup, puis en mai pour ceux qui officient sur les Play-Offs.
Au niveau international, c’est un rassemblement en septembre (je rentre tout juste de Grèce), et des camps pour les nouveaux arbitres. Nous avons enfin un rendez-vous supplémentaire en décembre, pour revalider notre licence internationale. En moyenne, c’est donc 5 à 6 rassemblements toutes compétitions confondues.
Vous venez de vivre votre 1er EUROBASKET, que cela représente-t-il pour vous ?
L’Eurobasket est l’événement phare du basket européen, et il n’a lieu que tous les 2 ans (bienôt ce ne sera que tous les 4 ans), c’est forcément un événement exceptionnel auquel ont participé les joueurs stars des nations d’Europe : Tony Parker, Boris Diaw, Pau Gasol, et de nombreux autres joueurs NBA.
C’était une grande surprise pour moi, parce qu’il n’y a eu que deux arbitres français sur l’Eurobasket masculin (j’étais avec Eddie Viator). Ensuite, c’est évidemment un grand honneur et un privilège d’accompagner les meilleures équipes européennes, avec les tous meilleurs arbitres. Eddie est référencé en Europe, il a participé à la Coupe du Monde l’année dernière. Pour ma part, il s’agissait d’une première expérience, car la FIBA renouvelle régulièrement le groupe d’arbitres en y intégrant de nouveaux visages. J’étais l’un d’eux. Cette année j’étais l’heureux élu, mais rien n’est acquis, il faut continuellement faire ses preuves et être performant sur le terrain pour pouvoir prétendre à ce genre de compétitions. Et les très bons arbitres français sont nombreux, de très bons jeunes arbitres arrivent régulièrement en PRO A. C’est une belle preuve que la formation française fonctionne bien, et que l’arbitrage français est reconnu au niveau européen et mondial !
Aviez-vous une préparation particulière ?
Pendant la saison, j’alterne entre beaucoup de course à pied, en moyenne une soixantaine de kilomètres par semaine, et un peu de VTT. Mais le temps manque pour d’autres activités sportives, même si j’adore le badminton et le squash, je n’y joue que trop rarement.
Pour le championnat d’Europe, la Fédération Internationale nous a fait parvenir un programme de préparation sur 12 semaines que j’ai suivi. C’est principalement de la course (endurance, sprints) et et des exercices de renforcement musculaire. En arrivant au clini de pré-compétition, nous devions passer un test physique (Luc Léger).
Comment l’avez-vous vécu ?
C’était une expérience incroyable à bien des égards. D’abord parce que le niveau de jeu est ce qui se fait de mieux en Europe (si ce n’est au Monde si on exclut les USA). J’avais dans mon groupe la Croatie, la Grèce et le Slovénie, des nations fortes du basket, accompagnées par des équipes qui ont tout donné pour accrocher la dernière place qualificative (Hollande, Géorgie et Macédoine).
Mais c’est surtout l’aventure humaine qui marque. Nous avons reçu un accueil exceptionnel, qui nous a mis dans les conditions idéales pour arbitrer. Nous n’avions en définitive qu’à nous concentrer sur le terrain, le reste était géré par le comité d’organisation (hébergement, repas, transferts vers l’Arean où se déroulait les matchs).
Je suis satisfait de mes performances sur le terrain, et les observateurs qui étaient présents ont confirmé cette impression. Je n’ai malheureusement pas continué à Lille pour la phase finale (ils ne gardaient que 20 des 40 arbitres du groupe), mais la déception passée, cela reste extrêmement positif pour la suite de ma carrière. La FIBA fonctionne ainsi, et l’expérience est un critère fondamental pour prétendre à encore plus.
Si je devais retenir 2 choses : la première serait la rencontre avec certains collègues avec qui j’ai passé 10 jours : l’italien Luigi Lamonica, l’allemand Robert Lottermoser notamment, et évidemment Eddie Viator avec qui je partageais ma chambre pendant le clinic de préparation. La seconde est le match d’ouverture que j’ai arbitré entre la Croatie et la Slovénie, avec plus de 16 000 supporters très bruyants. Un souvenir gravé pour toujours ! C’est ce genre de match qui me rappelle à quel point nous sommes chanceux d’être sur le terrain.
Quel est votre objectif cette année et pour la suite ?
D’abord être bon sur le terrain et être en bonne santé. Cela paraît basique, mais l’enchainement des matchs en PRO A et en Europe est assez usant, il faut réussir à se préparer match après match, en pensant que c’est un marathon qui nous emmène jusqu’en juin prochain. Comme les équipes, les arbitres ont une échéance importante à la Leaders Cup car seuls 12 arbitres sont retenus, puis 24 pour les Play-Offs qui marquent le sommet de la saison de PRO A.
Chaque année il faut se dire que rien n’est acquis et il faut à nouveau être performant, quel que soit le match, quel que soit l’enjeu.
Au niveau européen c’est assez similaire si ce n’est que je suis encore un « rookie » dans la division. Je dois faire mes preuves, et confirmer ma nomination à l’Eurobasket pour espérer aller le plus loin possible en Euroleague et en Eurocup.
A un niveau plus personnel, comment s’organise votre vie d’arbitre, votre vie professionnelle et familiale ?
C’est la course perpétuelle !
Je suis un privilégié car mon épouse Hélène m’a toujours soutenu à 100% dans cette activité. Sans elle, je ne serais pas à ce niveau aujourd’hui !
C’est un équilibre, parfois instable, avec lequel il faut composer, car les arbitres français ne sont pas professionnels aujourd’hui. Je dois faire concilier les compétitions, les déplacements professionnels et ma vie familiale (j’ai 3 enfants : Raphaël, Thibault et Mathilde).
Je travaille chez Centile, une entreprise du côté de Sophia Antipolis (près de Nice) qui développe et commercialise des logiciels dans les télécommunications. Je suis responsable avant-vente, donc j’accompagne nos commerciaux chez nos clients en France et à l’étranger pour leur présenter et leur vendre nos produits. En général, je suis au travail le lundi, puis je pars en déplacement si j’ai un rendez-vous client, que j’essaie de faire coïncider avec mon déplacement en Europe pour le basket. Comme nous devons arriver la veille de la rencontre, je passe une bonne partie de la journée du match dans ma chambre d’hôtel à travailler à distance. C’est une facilité qui m’est accordée dans la mesure du possible, sinon je pose des congés.
Le lendemain du match, je retourne souvent directement chez un client. Puis je rentre à la maison pour 1 ou 2 jours, avant de repartir le samedi pour mon match en France. Je passe finalement du temps avec ma femme et mes enfants le dimanche après-midi. Et tout recommence le lundi matin !
Nos familles et amis nous demandent souvent comment nous arrivons à concilier cette vie un peu spéciale … (ma femme est pédiatre, elle a elle aussi un programme chargé et des gardes de nuit, et elle doit aussi gérer la maison). C’est de l’organisation ! On se fait aider à la maison, et on profite de chaque instant passé avec nos enfants.
Que conseilleriez vous à un jeune pour lui donner envie de devenir arbitre de Basket ?
D’abord d’aimer le basket, et d’y jouer tant qu’il peut ! On devient arbitre parce qu’on aime ce sport et parce qu’on veut y contribuer d’une autre manière. C’est beaucoup de travail, d’investissement personnel (et familial), mais c’est tellement gratifiant de sortir d’un match où l’on a la sensation d’avoir fait du bon travail, d’avoir participer au spectacle, tellement enrichissant de rencontrer de nouvelles personnes toutes les semaines, de visiter des lieux qu’on n’aurait jamais pu voir normalement, et d’atteindre le plus haut niveau sans être joueur professionnel !
On le dit souvent : l’arbitrage est une école de la vie exceptionnelle, c’est la stricte vérité. Pour toutes ces raisons, j’aimerais dire à chaque jeune arbitre de persévérer dans ce qu’il fait, de faire preuve de sérieux et de montrer de l’envie, et beaucoup de portes s’ouvriront à lui. Les moments difficiles n’en seront que plus simples à oublier ! Il faut ensuite savoir saisir l’opportunité qui se présentera un jour, il y en a toujours une 🙂
Jean-Charles Collin et Eddie Viator ont tenu un blog pendant leur Eurobasket, que vous pouvez découvrir ici : LE BLOG DE L’EUROBASKET