L’arbitrage, ses difficultés, sa noblesse
Georges Vigarello est diplômé en éducation physique (CAPEPS) et agrégé en philosophie. Il est directeur de recherche à l’École des hautes études en sciences sociales et co-directeur du Centre Edgar Morin, anciennement le Cetsah. Il est spécialiste de l’histoire de l’hygiène, de la santé, des pratiques corporelles et des représentations du corps. Membre de l’institut universitaire de France et Président du Conseil scientifique de la Bibliothèque nationale de France, il est connu d’un plus large public à travers la diffusion de ses ouvrages en collection de poche. Les titres de plusieurs de ses livres (Du jeu ancien au show sportif, la naissance d’un mythe, Le spectacle du sport, Le sport, la triche et le mythe) interpellent les observateurs du sport et des médias.
L’arbitrage est une activité essentielle à la pratique du sport. Cette activité garantit l’équité des rencontres, elle garantit le plus strict respect des règles. Ce qui valorise spécifiquement le rôle de l’arbitre. Encore faut-il surmonter plusieurs problèmes. Le premier d’entre eux tient à une image quelquefois mal comprise. L’arbitrage peut apparaître à certains spectateurs peu attentifs comme une pratique « perturbatrice », ou « problématique », alors qu’il s’agit tout simplement d’une pratique permettant au jeu de s’affirmer et de se développer dans les meilleures conditions possibles. Cette image d’une pratique d’arbitrage « anoblissante » doit alors être systématiquement promue, affirmée, propagée. Le public doit être « éduqué » : l’arbitre est le représentant « indiscutable » de la justice et du social sur le terrain. Un autre problème tient à la difficulté intrinsèque de l’arbitrage lui-même. L’arbitre ne doit pas seulement connaître parfaitement le jeu. Il ne doit pas seulement le suivre avec une attention de tout instant. Il ne doit pas seulement, enfin, connaître toutes les situations de litige possible. Il doit surtout affirmer une autorité par des décisions aussi neutres qu’assurées. Il doit encore prendre ces décisions dans l’urgence la plus aiguë. Il doit garantir la présence de la raison dans ce qui est effervescence sinon fureur et il doit le faire dans la plus extrême brièveté de temps. D’où la nécessité de former au mieux les arbitres, et de les accoutumer aux décisions d’urgence, comme aux arrêts calmes et assurées. Cette exigence est marquante. Elle doit être systématiquement reconnue et développée. Impossible enfin de ne pas noter la portée symbolique de cette pratique d’arbitrage. Elle habitue joueurs comme spectateurs au strict respect des règles. Elle concrétise la justice. Elle met en scène le bon fonctionnement des sociétés. Sa portée est clairement éducative dans un univers ne semblant appartenir qu’au seul divertissement.
Autant dire que certaines initiatives doivent être privilégiées dans une telle action auprès des arbitres ; celles en particulier conduites auprès des arbitres amateurs. Voilà un très large ensemble d’acteurs du sport dont l’action est totalement volontaire et tout à fait fondamentale dans le dispositif sportif du pays (les amateurs se comptent par millions), qu’elle a la plus grande régularité, qu’elle bénéficie d’une formation restreinte et qu’elle s’exerce auprès d’un public lui-même peu formé. C’est sans doute auprès de ces arbitres amateurs que doit être centrée l’entreprise la plus décisive de soutien et de formation. C’est auprès d’elle que doivent être recensés et prévenus les risques de violence, de dysfonctionnement et de malentendus. Il ne faudrait pas que l’enthousiasme, la détermination et la passion de ces arbitres ne se transforment avec le temps en une lassitude qui sonnerait la fin des vocations. La Poste s’honore de conduire un tel investissement.