Arbitrage au féminin : une histoire d’amitié !
Priscilla Berraud, 23 ans, assistante sociale et Cécilia Dufes, 24 ans infirmière sont deux arbitres gardoises de handball depuis environ 10 ans et amies d’enfance dans la vie. Elles évoluent en binôme en Ligue et émanent de la filière Espoir : Interviews croisés…
Tous Arbitres : Pouvez-vous nous parlez de votre parcours dans l’arbitrage ?
Priscilla Berraud : J’ai découvert le Handball à l’école primaire ; petit à petit, j’ai évolué dans un club, le HBCN (Handball Cercle Nîmois). Hervé Rigal, Responsable de la Commission Arbitrage du club nîmois est très rapidement venu me demander si l’arbitrage me plaisait, c’est à ce moment que je me suis lancée. J’ai été une des plus jeunes du Gard à passer mon premier diplôme d’arbitre à 12/13 ans et à arbitrer mon premier match. Aujourd’hui j’appartiens au club Sportif Cheminot Nîmes Handball.
Cécilia Dufes : Au hasard, le Handball est particulier, les clubs ont besoin de quotas de jeunes arbitres, un jour ça m’a plu, et je suis devenue jeune arbitre a 15 ans
TA : Trouvez-vous qu’il y ait une différence entre un arbitrage de joueurs masculins ou féminins ?
PB : J’ai noté une énorme différence dans le sens où nous évoluons dans une région du Sud où le machisme est malgré tout présent. Difficile pour eux d’accepter que la femme représente l’autorité à travers le sifflet. A noter tout de même que les filles restent râleuses entre elles, mais cela passe mieux !
CD : Techniquement les filles n’ont pas la même approche du Handball, on adapte notre arbitrage à des filles ou à des garçons car l’implication physique et le niveau de jeu ne sont pas les mêmes. Notre attention est différente et ne repose pas sur les mêmes choses.
TA : Vous souvenez-vous de votre premier match en tant qu’officielle et pouvez-vous nous décrire les souvenirs qu’il vous en reste ?
PB : Je me souviens de ma première saison, cela a été assez difficile de passer du stade régional à celui de national car cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu de femmes dans ce secteur. Difficile alors de se faire accepter aussi par les joueurs que par les arbitres.
CD : Mon premier match avec Priscilla, on avait 18 ans en 2005, un tournoi amical opposant des équipes de -18ans nationaux, un niveau très élevé, beaucoup sont devenus « pro « et on paraissait toutes petites à côté d’eux. C’était assez impressionnant !
TA : Pensez-vous qu’aujourd’hui il soit plus difficile pour une femme d’officier sur des rencontres masculines ?
PB : Oui, nous sommes sujettes à des insultes dépassant notre fonction d’arbitre mais plus basées sur la féminité : « elles devraient faire la popote »…
CD : Lorsque nous étions plus jeunes ça a pu être difficile parfois. Mais dans le handball, avoir des arbitres féminins rentre de plus en plus dans les mœurs…
TA : Quel a été votre meilleur souvenir d’arbitrage ?
PB : Il s’agit sans aucun doute de la finale régionale à Bercy en Finale de Coupe de France, arbitrage entre les 2 matchs de la D1 en 2011 Le stade de Bercy était plein ! On avait les jambes qui tremblaient !
CB : A Bercy en 2011 aussi, Paris jouait contre une équipe de Franche-Comté Mirmoil…
TA : Comment impose-t-on son autorité lorsque l’on est une femme dans un sport pratiqué en grande majorité par des hommes ?
PB : On essaie d’utiliser « l’intelligence féminine » en dialoguant, être plus dans le sourire, même si parfois on ne peut pas l’imposer. Aujourd’hui, cela fait deux saisons que nous arbitrons en Nationale 2 et nous commençons à être reconnues. Notre préoccupation majeure est de ne pas se laisser écraser.
CD : On appuie notre côté féminin, les juges n’acceptent pas trop mais les juges femmes avouent qu’on a raison parce que cela passe mieux !
TA : Comment réagissent les hommes lorsque vous arrivez sur le terrain et qu’ils découvrent que l’arbitre est une femme ?
PB : « C’est encore des femmes !», « ah c’est les filles ! » (Pour la reconnaissance acquise!), et cette année, le short est un peu plus serré donc le regard se porte sur le côté physique. ..
CB : Si c’est la première fois, cela les surprend, et ne sont pas forcément ravis ; ils n’y croient pas !
On doit leur montrer que si on est là ce n’est pas pour rien, on a beaucoup plus de preuves à fournir de notre place !
TA : Quels sont vos projets concernant l’arbitrage ?
PB : Aller le plus haut possible même si c’est difficile d’allier vie professionnelle et arbitrage. Notre leitmotiv est de continuer à prendre du plaisir dans l’arbitrage, de partager ça entre amies. Si un jour, je suis amenée à arrêter, j’aimerais me tourner vers la formation d’arbitres de handball bien entendu !
CF : On aimerait progresser, mais cela ne dépend pas que de nous, mais aussi prendre beaucoup de plaisir à arbitrer. Je suis infirmière et je n’ai pas forcément des horaires flexibles, j’ai peu de weekend libres. Par ailleurs, je suis responsable de tout l’arbitrage de mon club, je participe régulièrement au niveau de mon Comité et ponctuellement avec la Ligue. On se met des objectifs nous même, pour se motiver et donner le meilleur de nous-même.
TA : Est-il parfois difficile de concilier l’activité d’arbitre et la vie de famille ?
PB : Mon compagnon est handballeur donc il comprend mes déplacements, mais avec les amis c’est plus compliqué. Il est vrai que s’il on n’est pas avec quelqu’un qui comprend notre passion c’est impossible de concilier les deux. C’est un peu un sacrifice de nos week-ends mais la passion prend le dessus même si parfois cela peut être frustrant !
CD : Oui, dans le sens de ma vie professionnelle, toutes les semaines je dois jongler avec mon planning, pour me dégager du temps pour aller arbitrer. En tant qu’arbitre, nous ne sommes pas athlète de haut niveau, ce n’est pas reconnu donc un peu compliqué à gérer. Mais mes collègues se montrent très conciliants !
Légende photo de g à dr : Priscilla Berraud et Cécilia Dufes.