Depuis trois ans, Laura et Sofia Raja se sont engagées dans l’arbitrage. Comme toutes leurs activités communes, les jumelles ariégeoises de 17 ans partagent cette passion avec enthousiasme, sérieux et beaucoup d’entraide.
Mais comment fait-elle pour être à deux endroits du stade à la fois ? Joueurs et staffs des équipes qu’elles arbitrent se posent parfois la question. « Il arrive qu’on nous confonde, on se ressemble un petit peu quand même… », sourit Laura Raja, cadette d’une heure et demie de Sofia. Fusionnelles mais indépendantes, les deux sœurs n’ont jamais vraiment été séparées, réalisant côte à côte leur scolarité (à l’exception de la seconde). Aujourd’hui en terminale générale, elles passeront au printemps prochain l’équivalent espagnol du bac en même temps que la version française.
Et c’est un peu avant leur entrée au lycée que les jumelles ont répondu aux gènes familiaux en poussant la porte du club de La Tour-du-Crieu (US Critourienne Verniollaise) dans l’Ariège. Elles sont ensuite rapatriées au club voisin du SC Appaméen, où a également débuté Yoann Huget. « Laura voulait s’inscrire et m’a motivée. On a commencé ensemble. Pour l’arbitrage, c’est l’inverse », se souvient Sofia. Passionnée d’équitation qu’elle a découverte à trois ans, son expérience de joueuse tourne vite court. « C’était la première fois que je pratiquais un sport collectif. Je suis plus solitaire quema sœur. Des problèmes aux tendons m’ont empêché de jouer comme je voulais. J’ai vite arrêté, mais l’atmosphère du rugby m’a plu. Je m’étais déjà renseignée sur l’arbitrage, je voyais qu’il n’y avait pas beaucoup de femmes dans ce domaine. Ça a été une des motivations et j’ai passé le cap », se souvient-elle.
Au lieu des terrains dont elles rêvent, c’est devant leur écran, à l’hiver 2020, que les jumelles approfondissent le sujet. Cornaquées par Vincent Mascarenc, arbitre et papa d’une copine, et Benoît Portet, responsable de secteur, elles découvrent avec appétit ce nouvel univers lors de nombreuses visioconférences. « Ils nous ont coachées, poussées à apprendre et étudier la règle. Et nous, on se faisait réciter nos leçons. On a pu passer notre diplôme d’ACF (arbitre en cours de formation) et devenir stagiaires», explique Laura. Blessée au genou, elle se contente alors d’annoter en tribune les performances de sa sœur déjà à l’œuvre. « Après mon premier match à Labarthe-sur-Lèze, près de Toulouse, je me suis fait applaudir par l’équipe perdante. Un très bon souvenir. J’ai fait une dizaine de matches cette saison-là, garçons et filles, que des cadets. Je me suis éclatée », jubile Sofia.
Rétablie au printemps dernier, sa cadette a enfin pu siffler le coup d’envoi de sa carrière d’arbitre lors de triangulaires d’abord : « Cette année, j’ai fait deux matches M16 masculin, au centre, avec un accompagnateur adulte en appui. J’étais plutôt contente de mes prestations. » Et si jamais des erreurs ont été commises, elles seront impitoyablement relevées par sa jumelle. « On s’observe pendant nos matches, explique Laura. Je prends des notes, on en discute, on réfléchit à la façon de s’améliorer. L’arbitre ne peut pas tout voir. Avoir un point de vue extérieur est intéressant. » Surtout lorsqu’il vient de sa sœur jumelle. « On s’entraide beaucoup. Il y a parfois quelques conflits ou divergences de vues, mais on apprend plus facilement et rapidement à deux », tranche Sofia.
Les deux adolescentes ariégeoises ont trouvé dans l’arbitrage un domaine où elles peuvent assouvir un penchant certain pour la discipline, pour les choses bien faites. « J’aime qu’on respecte les règles, que ce soit droit, carré. Sur le terrain mais aussi dans la vie en général. Nous sommes des élèves assez rigoureuses », se marre l’aînée. « C’est devenu une passion. Arbitrer permet aux joueurs d’évoluer dans de bonnes conditions. Aider, être là pour les autres, mes copines, mes parents et ma sœur vous le diront : j’aime ça ! Le partage collectif, l’esprit d’équipe, je retrouve ça quand je joue. Quand j’arbitre, c’est mon sens des responsabilités qui est en action. Je veux être pilote d’avion, un métier qui nécessite des prises de décision importantes. Comme quand je suis au centre du terrain », souligne Laura.
Fin août, les jumelles ont visité Marcoussis lors d’un stage, aiguisant encore un peu plus leur envie de poursuivre sur cette voie. « Un cadre exceptionnel, des formateurs et un parrain, Ludovic Cayre, géniaux, une bonne cohésion groupe. C’était une très belle expérience », poursuit Laura. La réunion mensuelle à Foix organisée par la Ligue ou les quelques fêtes ratées en raison du match du lendemain sont trèsloin de décourager les sœurs Raja. Mais leur avenir au sifflet reste aussi flou aujourd’hui que leur destination l’année prochaine. Leurs deux bacs en poche, on n’en doute pas, leurs routes vont se séparer. « Ce n’est pas angoissant du tout, ni pour elle ni pour moi. On est jumelles mais indépendantes. Moi, je veux travailler dans le domaine du cheval. Rester arbitre, ça peut se faire si je m’organise bien et j’aimerais aller le plus haut possible. Mais l’univers équestre reste ma priorité et ma première passion. J’aimerais aller jusqu’à un master dans les métiers du management et de la gestion de la filière équine. Ça devrait être en Normandie, tout là-haut », susurre Sofia, qui espère pouvoir jumeler études et arbitrage.
La perspective est plus nébuleuse pour sa sœur. « C’est surtout un loisir qui me permet aussi de m’améliorer en tant que joueuse. L’année prochaine est un gros point d’interrogation. Je veux être pilote d’avion. Je ne sais pas si je passerai un concours, une prépa ou si j’irai faire des études d’aéronautique aux États-Unis. Ça pourrait alors devenir compliqué de continuer l’arbitrage. » En attendant de voir ce que l’avenir leur réserve, continuer de progresser et de prendre du plaisir un sifflet à la bouche restera sur un terrain de rugby le seul objectif des jumelles.