Dans le prolongement de la Journée Internationale des droit des Femmes, Tous Arbitres continu à mettre à l’honneur des femmes arbitres de tous niveaux, amateures et professionnelles. Rencontre avec Laure Coanus, arbitre de basket en Jeep Elite et Pro B.
Quel a été le déclic pour vous lancer dans l’arbitrage ?
Je me suis tournée vers l’arbitrage par dépit au début. Je jouais en cadette France et NF3 et malheureusement j’ai eu une grave entorse, avec une opération, qui m’a éloigné des terrains de basket pendant 9 mois. A la suite de cette saison-là, j’ai voulu prendre du recul sur le championnat de France pour jouer au niveau régional et j’ai intégré l’école d’arbitrage départementale. Mon souhait était alors de découvrir un nouvel aspect de mon sport, un autre point de vue, tout en restant sur le terrain. Et je me suis rapidement prise au jeu de diriger les rencontres de basket.
Quel est votre parcours d’arbitre ?
A 16 ans, j’intègre l’école d’arbitrage départementale. L’année suivante, je suis validée arbitre départementale et 5 années plus tard, à 22 ans, j’atteins le haut-niveau en Nationale Masculine 1 et Ligue Féminine, en étant passée par les stages nationaux. Dès la première saison à haut-niveau, j’ai l’opportunité d’être testée a mi-saison en pro B. La saison suivante je suis validée en pro B. Et un an plus tard, je me retrouve dans la passerelle entre la Jeep Elite et la Pro B (niveau actuel).
Quel a été votre meilleur souvenir d’arbitre ?
Mon meilleur souvenir est aujourd’hui ma nomination sur la finale de Coupe de France féminine 2019. Il s’agit d’une finale qui oppose les meilleures équipes du championnat français et aussi car le match s’est déroulé à l’Accorhotels arena, ce genre d’évènement ne se présente pas toutes les saisons dans une carrière.
(NDLR : www.tousarbitres.fr/rencontre-avec-laure-coanus-arbitre-de-la-finale-de-la-coupe-de-france-de-basket)
En tant que femme, cela a-t-il été simple de vous faire une place ?
Je ne me rappelle pas avoir eu de réelles difficultés en tant que femme. Lorsque je suis arrivée en Pro B, j’ai senti que les entraineurs me « testaient », car j’étais nouvelle et de surcroit, une femme. Je pense leur avoir montré que j’étais capable d’arbitrer au même titre que mes collègues masculins. Il en est de même cette saison en Jeep Elite. Je m’y étais préparée car le haut-niveau est un milieu très masculin, après il faut juste montrer de la compétence. Les joueurs et entraineurs attendent qu’une seule chose, être arbitré de la meilleure des manières, peu importe que nous soyons un homme ou femme, ils attendent de la compétence ; à nous de leur donner.
Mais depuis que j’ai commencé l’arbitrage, j’ai plus ressenti des difficultés sur le fait d’être une jeune arbitre avec une faible expérience dans le milieu de l’arbitrage par rapport à certains collègues qui en avaient bien plus que moi.
Le fait que j’ai joué au basket, que je suis passée par un pôle espoir, m’a beaucoup aidé. Il était beaucoup plus simple de me faire accepter des joueurs et des entraineurs lorsque l’on se comprend lorsque nous parlons basket.
J’ajouterai que la politique de féminisation de l’arbitrage menée par la fédération française de basket m’a permis d’atteindre le haut-niveau peut-être plus rapidement que certains de mes collègues masculins. Mais je pense avoir montré que les opportunités qui m’étaient données, j’ai su les saisir et prouver que j’avais le niveau que l’on me proposait d’arbitrer.
Voyez-vous justement des changements d’attitude depuis vos débuts ?
Je n’ai pas encore assez de recul pour dire si je perçois des changements d’attitudes de la part des joueurs, entraineurs ou représentants de club. Mais j’imagine que le fait que nous soyons aujourd’hui presque trois femmes à arbitrer régulièrement en Jeep Elite, et un certain nombre en Ligue Féminine, tout le monde s’est habitué à voir des femmes arbitrer à haut-niveau. Le passage de Carole DELAUNÉ (participation aux JO de 2012), Chantal JULIEN (finale championnat du monde féminin 2002 et finales JO féminin 2004 et 2008) ou encore Astrid SCHNEIDER ont permis « d’ouvrir la voie » pour que les femmes puissent arbitrer les hommes à haut-niveau.
Est-ce que la réussite des arbitres Françaises ces derniers mois à eu un impact sur vous ? (Stéphanie FRAPPART en finale de Coupe du Monde de football, Charlotte et Julie BONAVENTURA en finale de Coupe du Monde de handball notamment)
L’année 2019 est bien sûre très inspirante. L’impact de la performance de ces 3 arbitres, au-delà de leur propre sport, montre qu’il n’y a plus de barrières pour que les femmes puissent arbitrer le sport féminin et masculin de haut-niveau. Stéphanie FRAPPART est la première femme à être arbitre central en Ligue 1, c’est une énorme avancée dans la féminisation de l’arbitrage dans le football. En écoutant les conférences de presse après ses premiers matchs en L1 ou encore la Supercoupe de l’UEFA, elle a obtenu le respect des joueurs et des entraineurs. Les mentalités évoluent, à l’image de notre société où la parité hommes / femmes commence à être de plus en plus présente (en politique notamment).
Charlotte et Julie BONAVENTURA ont été les premières femmes à arbitrer le championnat du monde masculin en 2017, elles sont un modèle à suivre pour toutes les jeunes arbitres du handball.
Qu’est-ce que l’arbitrage vous a apporté dans votre vie ?
L’arbitrage m’a apporté beaucoup de compétences que j’aurais mis des années à développer dans ma vie personnelle et surtout professionnelle. Par exemple devoir prendre des décisions très rapidement, appréhender des conflits et comment les gérer ou apprendre de ses erreurs. Nous le faisons à chaque match et pour ma, part, je le retranscris au quotidien.
Sur le point de vu professionnel, l’arbitrage m’apporte beaucoup de rigueur au quotidien, notamment dans la gestion des projets qui peuvent m’être confiés.
La Fédération Française de Basket m’a donné l’opportunité de faire quelques stages à l’étranger avec des arbitres provenant de toutes l’Europe, cela m’a permis d’être d’avantage curieuse sur le monde qui m’entoure et de me lier d’amitié avec des personnes que je n’aurais pas pu rencontrer sans l’arbitrage.
Conseilleriez-vous à une jeune femme de se lancer dans l’arbitrage et pourquoi ?
Je l’invite fortement, si l’arbitrage l’intéresse et qu’elle est curieuse de découvrir un autre moyen de participer à un match de basket qu’en étant joueuse. Je ne vais pas lui cacher qu’être arbitre n’est pas la tâche la plus aisée, que nous soyons un homme ou une femme.
Notre activité est de surcroit, malheureusement aujourd’hui trop sujet à la critique et la contestation, car il y a des insatisfaits de l’arbitrage, c’est un fait. Mais nous aurons été bien plus courageux qu’eux en ayant osé endosser le rôle de l’arbitre. Une fois que le premier coup de sifflet dans une carrière est donné, le plus dur est à fait, à mon sens.
Pour une jeune femme, commencer l’arbitrage est déjà le début du « plafond de verre » qui se brise, car nous sommes loin de la parité hommes / femmes dans notre activité d’arbitre. Le message que je souhaite faire passer, c’est que nous devons oser arbitrer à l’égale des hommes.
Que peut-on vous souhaiter pour les prochains mois ?
Continuer de progresser dans mon arbitrage pour être la plus performante possible.
© Photo FFBB – Cédric Lecocq